Andy Shauf est canadien comme Bon Iver mais ne laboure pas les mêmes prairies musicales. Là où Justin Vernon et les siens traçaient le sillon d’un folk rustique au début de leur carrière, pour vite s’en affranchir et arriver à flirter avec la musique expérimentale, Andy Shauf mélange avec plus ou moins de bonheur folk et pop sophistiquée, notamment sur sur The Party (2016, Anti-), un troisième album qui avait clivé les amoureux de pop music. Alors que certains pensaient voire éclore un futur talent, d »autres comme moi furent plus timorés quant à la qualité de ses compositions.
En effet, celles-ci semblaient vouloir se vêtir de costumes trop apprêtés et trop élégants pour elles, et pour tout dire, on versait assez vite dans une préciosité agaçante et une emphase un peu indigeste pour les estomacs les plus fragiles. Sur ce terrain, l’Irlandais Neil Hannon de Divine Comedy avait remporté la bataille bien des années auparavant, réussissant à marier avec légèreté pop music et arrangements baroques sur deux albums, Libérations et Promenade (1993 & 1994, Setanta Records) touchés par la grâce, sans ne jamais verser dans le rococo avec une science de l’arrangement de funambule. Ces deux albums, malgré le poids des années, ont toujours la même magie et trônent bien au dessus de toute la production de l’Irlandais qui leur succéda.
£Au milieu des années 90, l’Amérique vit émerger un autre chef-d’œuvre de pop baroque finement tissé par deux formidables artisans à la précision d’horlogers biberonnant au meilleur lait des 60’s, Eric Matthews et Richard Davies officiant sous l’aérien patronyme de Cardinal. Leurs compositions avaient été touchées par Midas en personne et restent elles aussi à l’abri des affres du temps et promises à l’éternité. Alors, avec toute l’agitation qui avait précédé la sortie de The Party d’Andy Shauf, on s’attendait à un maelstrom d’enluminures pop et nous fûmes quelques-uns à être déçus. Je n’attendais pas grand chose du nouvel album du Canadien.
Un après-midi, je me rends chez mon meilleur pourvoyeur de musique (le disquaire Spliff) pour m’enquérir des albums inintéressants de cette rentrée. Le premier artiste dont il me parla fût, à ma grande surprise, Andy Shauf, dont il avait lui aussi une considération très minime. Il me dit texto « le nouvel album d’Andy Shauf est génial ». Il s’empressa de me le prouver en me faisant écouter les premiers titres et le moins qu’on puisse dire c’est que je fus conquis. En rentrant chez moi, une question me taraudait, comment le géniteur de cet album pouvait être aussi celui de The Party ?
En écoutant la première piste, on jurerait entendre un jeune Paul Simon papillonnant avec l’inconscience de la jeunesse. Débarrassées des arrangements lourdauds d’antan, les chansons sortent de leur cage tels des oiseaux et goûtent aux joies de la liberté (« Where Are You Judy », « Thirteen Hours »). Les instruments à vent soufflent des vents chauds salvateurs qui enrobent les compositions d’une moellosité exquise tandis que les guitares jouent les mélodies du bonheur retrouvé, ou se découvre des envies de jazzer (« Living Room »). Le Canadien a reconsidéré l’instrumentation de ses chansons et a remporté la mise en optant pour les cuivres et les vents. Il a ouvert en grand les fenêtres pour que ses compositions déploient leurs trésors cachés et leur beauté simple (« The Moon »). « Try Again » gambade au milieu des pâquerettes avec un sourire béat aux lèvres, et voilà que semble planer à nouveau la figure la plus présente tout au long de l’album Paul Simon, et pas seulement pour cette étrange similitude vocale mais aussi pour cette manière éclectique de piocher dans tous les univers musicaux et de se servir de la pop comme véhicule. Le dernier titre s’intitule « Changer », comme pour affirmer et valider les nouvelles aspirations d’Andy Shauf.
Finies les grandes ambitions de The Party qui sclérosaient et empesaient les compositions, le musicien a choisi entre la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf et le lièvre et la tortue, il sera la chenille devenue papillon. Le changement c’est maintenant !
Andy Shauf The Neon Skyline Anti- Records/Pias
TRACKLIST :
Face A
Neon Skyline
Where Are You Judy
Clove Cigarette
Thirteen Hours
Things I Do
Living Room
Face B
Dust Kids
The Moon
Try Again
Fire Truck
Changer
Face C (bonus 7″)
Judy
Face D (bonus 7″)
Jeremy’s Wedding
Album également dispo’ sur Apple Music, Bandcamp, Qobuz & Spotify,
mais surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !
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