L’année 2014 avait été prometteuse du côté du cinéma français, en particulier dans le genre maltraité de la comédie romantique, en parvenant à se renouveler avec des films tantôt poétiques comme Maestro (Léa Fazer), tantôt incisifs, à l’image des Combattants (Thomas Cailley). Avec ses acteurs charmants au potentiel peluche élevé et son pitch classique mais réactualisé (les deux membres d’un couple hétéro se trompent mutuellement avec la même femme), A Trois On Y Va promettait donc des ondes de tendresse et de chaleur sur nos cœurs. Que neni.
Dès les premières minutes, on se rend compte qu’il y a un problème. Sans aucune introduction, nous savons déjà que Charlotte trompe Micha avec Mélodie, mais sans savoir comment elles se sont rencontrées, ni tombées amoureuses. Deux minutes plus tard, Micha embrasse Mélodie, car « il y pensait depuis longtemps ». Ah bon. A aucun moment de l’histoire, on ne nous fait comprendre le passé des personnages, ni comment ils en sont venus à tisser ces liens entre eux. Tout le film semble ainsi surfer sur une vague de superficialité, se contentant d’aligner les déclarations d’amour au-delà de la niaiserie, dont l’objectif est vraisemblablement de rivaliser avec Rimbaud et Mallarmé (spoiler : c’est un échec). Là où Maestro nous touchait par sa tendresse et son humour, A Trois On Y Va nous consterne à force de moues boudeuses (Sophie Verbeeck, mono expressive) et de textos embarrassants.
Soyons bien clairs, je n’ai absolument rien contre le romantisme outrancier, bien au contraire (d’après mes estimations personnelles, j’aurais vu 70% des adaptations ciné des romans à l’eau de rose de Nicholas Sparks), mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser. Comme celle de nous infliger tous les passages obligés des films d’amour balourds : la fille qui chante en public pour déclarer son amour (car oui, il est toujours plus facile de se dévoiler en chanson devant une foule d’inconnus), le mariage à l’église (attention, prise de conscience : l’engagement en amour, c’est du sérieux)… Rien ne nous est épargné. Si cette philosophie neuneu était compensée par quelques scènes un peu chaudes, on pourrait encore s’en sortir. Mais contrairement aux Combattants, qui suintait le désir et la sensualité, l’attirance des corps reste ici tout aussi factice que les sentiments et donne carrément lieu à de grands moments de gêne (la scène de la « révélation »). Restent Anaïs Demoustier et Félix Moati, mignons comme tout, qui, avec leur fraîcheur maladroite, nous attendrissent et nous amusent lors de quelques scènes vaudevillesques réussies.
Si l’on espère jusqu’à la fin un sursaut d’émotion ou de vraisemblance dans les intentions des personnages, la conclusion peu convaincante nous laisse un goût amer, en nous proposant une pauvre variante de la formule finale des Chansons d’amour (Christophe Honoré, 2007), « Aime moi moins, mais aime moi longtemps », la subtilité en moins. N’est pas Christophe Honoré qui veut.
A Trois On Y Va de Jérôme Bonnell
Avec Anaïs Demoustier, Sophie Verbeeck et Félix Moati
Scénario de Jérôme Bonnet (avec la participation de Maël Piriou)
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