A la manière du bouquin, le documentaire est une bonne façon de rendre hommage -comme l’avait fait à l’époque l’indispensable Please Kill Me– à un groupe culte et/ou oublié, un musicien ou une scène toute entière. Qu’ils soient auto-financés, montés via une plateforme de financement participatif ou commandés par le groupe himself, des dizaines, plus ou moins réussis, ont vu le jour en près de vingt ans et on permis dans le meilleur des cas, à redorer le blason de ces derniers et dans le pire…de satisfaire un millier de fans à travers le monde. Citons par exemple le désormais classique End of the Century (de Michael Gramaglia et Jim Fields en 2002) consacré aux Ramones, le Salad Days (de Scott Crawford en 2014) sur le Punk de Washington, l’Oscarisé Searching for Sugar Man sur Sixto Rodriguez (réalisé par Malik Bendjelloul en 2012) ou, plus récemment, des plus confidentiels comme Don’t You Wish That We Were Dead (de Wes Orshoski) en 2015 sur les maudits Damned et Descent into the Maelstrom (de Jonathan J. Sequeira en 2018) consacré à l’obscur gang australien Radio Birdman. Cette fois, ce sont les Sonics qui sont pris pour cible, et non, on ne parle pas là de l’équipe de NBA…
The Sonics, c’est surtout l’un des plus grands groupes de Rock ‘n’ Roll américain dont (presque) personne n’a entendu parler. Pas totalement inconnu non plus puisque les plus férus de Rock ‘n’ Roll vous le diront : Les Sonics sont des putains de légendes. La violence de leur son et l’énergie dégagée les rapprochent du Punk avant l’invention même du Punk. Ouais, il y a eu les Ramones, les Sex Pistols et, ne l’oublions pas, quelques années plus tôt, les Stooges, mais, à Washington (pas la ville, l’état), de 63 à 67, Bob Bennett, Jerry Roslie, Rob Lind, Andy & Larry Parypa ont posé les bases de plusieurs styles musicaux durant ces quelques années d’existence.
Pour Jordan Alberten, réalisateur derrière le docu’ Boom, son amour pour les Sonics débute à l’adolescence, dans les années 90. Comme beaucoup de gamins de son âge, il est fasciné par Nirvana et ne partage pas grand chose avec son père, y compris ses goûts musicaux. Jusqu’à ce que ce dernier lui fasse découvrir l’album Boom, sorti presque 30 ans plus tôt. Comment un groupe dont il n’avait jusqu’alors jamais entendu parler a-t-il pu lui mettre une telle claque ? Le jeune fan devra attendre encore plus d’une décennie avant d’en apprendre un peu plus sur la formation, de la voir sortir de l’ombre lors d’une réformation inespérée (et inattendue) en 2008 et, enfin, pour finalement se décidé à raconter l’histoire de ces cinq gamins de Tacoma, petite ville voisine de Seattle. Comme un certain Rodriguez, réhabilité tardivement au rang de légende de la Folk, le mythe des Sonics débute pratiquement lorsque le groupe se sépare. Alors que chacun reprend plus ou moins une vie normale -comprenez par là, un classique « métro-boulot-dodo » qui durera tout de même près de 40 ans- leur deux albums (Here Are The Sonics et Boom) deviennent sans qu’ils s’en doute, cultes, et marquent plusieurs générations de musiciens, de Mark Arm de Mudhoney à James Murphy d’LCD Soundsystem (qui les mentionne d’ailleurs dans son tube « Losing my Edge » en 2002) en passant par Kurt Cobain, fasciné par leur son de batterie.
En utilisant comme base de son docu’ la relation qu’il entretient avec son paternel, Alberten part à la rencontre des membres originaux du gang de Tacoma, mais aussi de fans, patrons de label, producteurs et musiciens renommés et tente d’expliquer l’une des nombreuses incompréhensions de l’histoire du Rock ‘n’ Roll. Il en tire un film maîtrisé, touchant mais jamais larmoyant, et donne envie de se replonger dans les deux incroyables albums des Sonics, deux albums absolument indispensables à toute discothèque qui se respecte.
Boom : a Film about The Sonics de Jordan Albertsen
Avec Bob Bennett, Jerry Roslie, Rob Lind, Andy & Larry Parypa,
Kurt Bloch, Mike McCready, Nancy Wilson, Chris Ballew, Mark Arm & Jack Endino.
Retrouvez-nous sur