15/07/17 – Que vous partiez vous dorer la pilule sur une plage de sable fin ou que vous restiez coincé dans votre minable studio car la quasi-totalité de votre salaire passe dans le loyer, vous aurez forcément besoin d’évasion à un moment ou un autre. Slow Show vous recommande quelques ouvrages pour l’été. Inutile de préciser que l’on vous déconseille d’acquérir ces quelques lectures autre part que dans une librairie indépendante…
Stéphane
Lizzy Goodman Meet me in the Bathroom (2017, Dey Street Books) 640 pages, $26.99 (en anglais)
Chaque mouvement musical possède son ouvrage culte. A l’image du Please, Kill Me de Legs McNeal & Gillian McCain qui nous racontait la naissance du Punk (1997, Penguin Books puis Allia en 2006); ou Our Band Could Be Your Life (Underground music, 2001) de Michael Azerrad, qui élargissait son sujet au Hardcore et à la Noise DIY américaine, Meet Me In The Bathroom dépeint la renaissance de l’Indie Rock New-Yorkais au début des années 2000 et pendant la décennie qui suivit. Lizzy Goodman, journaliste de presse spécialisée mais surtout témoin de ce mouvement musical, compile près de 200 interviews capturées en six ans. On y croise les Strokes, Ryan Adams, LCD Soundsystem ou les Yeah Yeah Yeah ainsi que divers producteurs et acteurs de la scène, qui nous racontent leurs souvenirs, embrouilles, potins et gueules de bois. Dans 30 ans, quand nos gamins se demanderont comment ce revival musical a commencé, voilà le bouquin qu’il faudra leur conseiller, un livre essentiel à tout amateur de Rock indé’.
Laura Jane Grace & Dan Ozzi Tranny: Confessions of Punk Rock’s Most Infamous Anarchist Sellout (2016, Hachette Book Group) 320 pages, $16.48 (en anglais)
Autobiographie sans concession de la Punk-trans Laura Jane Grace, née Tom Gabel et leader du groupe de Gainsville Against Me! depuis près de 20 ans. Tranny (traduisez « travelo ») est un bouleversant témoignage d’un mal-être méconnu, mais également une plongée brutale dans l’industrie de la musique.
Antoine Madrigal Nineteen, anthologie d’un fanzine rock: 1982-1988 (2016, Les Fondeurs de Briques) 448 pages, 25,00€
Les plus jeunes n’en ont certainement jamais entendu parler, mais Nineteen fût en France, pendant une bonne partie des années 80, une véritable bible du Rock ‘n’ Roll. Cet ouvrage, compilé par Antoine Madrigal, réunit une flopée d’articles parus dans le mythique fanzine aujourd’hui introuvable. Critique à lire par ici.
Ian F. Svenonius Stratégies Occultes pour monter un groupe de rock (2017, Au Diable Vauvert) 300 pages, 20,00€
Là encore, on parle d’histoire du Rock ‘n’ Roll en l’abordant avec humour. Avec cet ouvrage indispensable, le chanteur des mythiques Make-Up (mais aussi Chain & The Gang ou Nation of Ulysses…) apporte quelques clefs pour monter votre groupe de Rock sans vous planter, tout en offrant quelques réponses sur l’origine du genre. Drôle, politique…mais pas que!
Mark E. Smith Renégat (Le Serpent à Plumes) 270 pages, 21,00€
Figure aussi culte qu’improbable du Post-Punk Anglais, Mark E. Smith ballade son groupe, The Fall, depuis près de 40 ans. Renégat, c’est « le livre le plus drôle jamais écrit sur la musique » dixit The Observer. Ni plus, ni moins.
J.D. Wilkes The Vine That Ate The South (Two Dollar Radio) 212 pages, $15.99 (en anglais)
En plus de mener depuis plusieurs décennies ses Legendary Shack Shakers -son combo Hillbilly/Blues- J.D. Wilkes cumule les fonctions de cinéaste, illustrateur, artiste et écrivain. The Vine That Ate The South, son 2ème bouquin, est une enquête sous acide à travers l’Amérique profonde, un pur produit indescriptible pour tout étranger au genre.
Miles Davis avec Quincy Troupe Miles, l’autobiographie (La Table Ronde) 624 pages, 10,20€
Plusieurs décennies après sa première édition en France (vers 1989), La Table Ronde a la bonne idée de ressortir en format poche la biographie de l’immense Jazzman Miles Davis, agrémentée d’une superbe couverture signée Blutch, dans la collection La Petite Vermillon. Au programme: Amour, addictions, racisme et amitié. Alléchant n’est-ce pas?
Patrick
Matteo Righetto Savana Padana (2017, La Dernière Goutte)
Après un formidable Bacchiglione Blues (La Dernière Goutte, 2015) qui évoquait l’enlèvement de la femme d’un riche industriel du monde agroalimentaire par trois freaks d’une rare incompétence, l’auteur italien poursuit dans le white trash spaghetti avec un tout aussi bref et réjouissant Savana Padana durant lequel se télescopent la mafia locale dirigée par La Bête, la chinoise emmenée par Le Tigre et la colonie de Gitans obéissant au doigt et à l’œil au patriarche. Les trois communautés vivaient jusque-là en bonne intelligence. Chacune menant son petit bizness sans empiéter sur celui du voisin. Le tout sous la bienveillante surveillance des carabiniers commandés par Tomasso Crado qui préfère anticiper les emmerdes que les démêler, naturellement enclin à la tranquillité et à l’omerta : « Règle numéro un d’un bon carabinier : occupe-toi de ton cul, tu finiras centenaire. » A l’approche de la Saint Antoine, Crado prend les devants et va à la rencontre du patriarche pour lui demander de réguler l’afflux massif de Gitans pour la fête et leur intimer de se tenir un minimum à carreau. Tu parles Charles, les Romanos de passage cambriolent toutes les baraques du patelin. N’étant pas du coin, ils tapent même la demeure de La Bête absent ce jour-là. Ils dérobent une statue de Saint Antoine dans laquelle sont planqués 10 kilos de cocaïne. Ils n’auraient jamais dû. La hache de guerre est déterrée. La galerie de personnages est un défilé de freaks tous plus cons les uns que les autres hormis La Bête, Le Tigre et le patriarche. Les chefs quoi. Bref, dans ce merdier, Crado se fait descendre en pleine opération commando pour récupérer la schnouf. Tuer un carabinier, ce n’est jamais bien vu dans le secteur. Pour faire disparaître le corps, les mafieux l’apportent à un “nettoyeur” qui possède trois cochons omnivores : « Je vous présente mes fistons : DSK, Berlusconi et Trump. » Matteo Righetto livre des petites merveilles de pulp fictions taillées pour le cinéma.
Jordan Harper L’amour et autres blessures (2017, Actes Sud) 192 pages, 19,00€
Jordan Harper fait une entrée fracassante avec ce recueil de nouvelles d’une violence inouïe et d’une noirceur à faire du boudin glacé. Harper est critique rock, scénariste et auteur dans la droite ligne d’Harry Crews, Donald Ray Pollock, Cormac McCarthy et Anonyme pour l’humour sous-jacent. Ce recueil de quinze nouvelles montre une société au bord du précipice. Ça commence par “Agua Dulce” à la No Country For Old Men et au scénario à la Robert Rodriguez (Machete, Planète Terreur). “Lucy dans l’arène” traite des combats de chien, « Si elle pisse, elle vivra. » “Faire le mort” aborde un problème physique insoluble. Comment respirer quand on est coincé sous des cadavres dans une baignoire pleine d’eau? Plus loin, une jolie rousse débarque dans un bar. Elle déclare au patron qu’elle veut un whisky et tirer un coup. “L’amour et autres blessures” donne la solution en cas de blessure par balle, il suffit de se faire bouffer la plaie par un pitbull. Etc. La plupart des nouvelles se déroulent dans la région des Ozarks où la population a l’air bien secoué. Jordan Harper est à surveiller de près.
François Cau Nanarland: Le livre des mauvais films sympathiques épisode 1 & 2 (2015 et 2016, Ankama) 272 pages, 19,90€
Les livres des mauvais films sympathiques, épisode 1 et 2 se présentent comme des VHS. Un nanar n’est pas un mauvais film, c’est un film qui, faute de moyens ou de talent, devient attachant à son insu. Les livres abondamment illustrés en exposent toute une galerie. L’auteur les résume avec humour, en extrait les meilleures scènes, les meilleures répliques, les meilleures anecdotes, celles qui les rendent généralement cultes. François Cau a recensé des films de seconde zone, connus des cinéphiles pour des dialogues improbables, des répliques cultes, des montages à l’emporte-pièce… Comment peut-on faire des films d’horreur, de science-fiction ou de super-héros en deux jours, sans scénario ou sans grand budget ? C’est dans ce catalogue que l’auteur a puisé. Un régal.
Olivier Bruneau Dirty Sexy Valley (2017, Le Tripode) 268 pages, 16,00€
Olivier Bruneau a situé son roman dans un canton où vivent Ed Gein, Tobe Hooper, Herschell Gordon Lewis, Alexandre Aja, Alex de la Iglesia et Jan Kounen. Il livre là un bijou de white trash littérature en ajoutant le cul à l’outrance, l’outrage à la violence, l’humour à l’indécence. Un monument de la littérature de série Z. Lis ça où t’es bon pour un réalésage de la culasse au gode-tronçonneuse par Jules & Jim ! Critique intégrale à lire par ici.
Autres propositions de lecture dont on nous dit le plus grand bien dans l’oreillette :
Kim Gordon Girl in a Band (Le mot et le reste, 360 p., 25 €)
La vision au sens large de l’art et de la culture par la bassiste de Sonic Youth. Livre traduit par Suzy Borello, célèbre griotte girl auvergnate, chanteuse des virevoltant Wendy Darlings.
Viv Albertine De fringues, de musique et de mecs (Buchet-Chastel, 496 p., 22 €)
La guitariste des Slits, rare groupe féminin en plein mouvement punk dans la seconde moitié des 70’s en Angleterre, raconte son propre parcours.
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