Alors que les grands prophètes de la rage semblent s’être réuni pour remplir les stades, et par là-même les caisses de l’industrie musicale, un vrai disque de punk aussi frondeur que jouissif déballe depuis quelques mois sa matière musicale débordante, avec une énergie et une liberté qui fait revivre les flammes incandescentes d’un anti-rock éminemment militant et politique. Crachant ouvertement sur le patriarcat et la bien-pensance réactionnaire et conservatrice, en digne rejeton des Slits, de Wire et des Bikini Kill, le groupe américain Downtown Boys affiche avec son troisième disque, Cost of Living la volonté de diffuser massivement ses positions affirmées, quitte à faire une concession de taille (pour eux) en signant sur le label Sub Pop.
Désormais animé par un noyau dur mais toujours mixte, deux meufs, deux mecs : difficile pourtant de ne pas s’arrêter sur le cas de Victoria Ruiz, chanteuse furieusement expressive, totalement habitée par ses textes frontaux et imposants. Mais ce groupe est avant tout l’émanation d’un collectif et d’une complicité qui jaillit de part en part des 10 morceaux (et de deux interludes en forme de commentaires). Par essence, il semblerait logique, que ce groupe rejette en bloc, la figure messianique du leader rock, façon Kurt Cobain ou Jim Morrison. Pour ce troisième album, un certain Guy Picciotto – qui a joué dans un petit groupe nommé Fugazi, et donnait du relief au capricieux « Standing In The Way Of Control » de Gossip ou encore à l’élégant « Melody Of Certain Damaged Lemons » de Blonde Redhead – a certainement permis à notre quatuor du jour, de nuancer sa matière musicale bouillonnante tout en lui permettant de conserver son identité « Street Punk » émancipatrice et incendiaire. C’est d’ailleurs assez fascinant de découvrir par la même occasion, les deux premiers disques furieux de notre combo, et des titres aussi frais et jubilatoires, qu’ « Adam&Eve » ou « Future Police ». Vous l’aurez compris, Downtown Boys ne focalise pas son propos sur la démonstration d’un féminisme radical, mais bien plus sur l’affirmation d’un positionnement politique alternatif, fustigeant les dérives de plus en plus insupportables de nos sociétés post-industrielles, en se rangeant du côté des minorités qu’elles soient queer, latino, homo… Pas vraiment besoin d’une traduction, pour comprendre la teneur du morceau introductif « A Wall », réponse fière face à l’obsession actuelle des puissants, et parmi eux, forcément du 45ème président des États-Unis, à vouloir dresser des murs comme une solution idéale à tous les problèmes du monde. Extrait « You can’t ball the fuck on us, I won’t let that go » que je pourrais approximativement traduire, « tu ne peux pas nous biffler, je ne laisserais pas ça se faire ». Droit au but, les paroles sont directes et évitent les chemins de traverse, dans une attitude que nous pourrions d’ailleurs facilement qualifier de « Hardcore », mais très loin, d’ailleurs du Hardcore Straight-Edge de Minor Threat. Pas de dogme ici, juste une stupéfiante habilité à transformer la colère et la rage, en hymnes instantanés. Intro de guitares à la Descendents, et développement à la Jesus Lizard, « Promissory Note » devient le lieu d’une étrange rencontre entre Fugazi et Kat Bjelland de Babes In Toyland, se prenant pour Jello Biafra. Habillant allégrement son tatapoum ravageur à l’aide d’un saxophone incisif, Downtown Boys ne joue pas le jeu de la posture rebelle, et préfère lui opposer un naturel totalement assumé à travers une identité sonore unique, brouillonne mais imparable. Victoria peut également se reposer sur sa copine Mary, à la basse, et des lignes aussi simples que diaboliques, mais toujours tournées vers un groove agressif et martial. Peut-être qu’un groupe comme ESG, dans son approche basique, voire animale de la musique, et surtout à travers l’image de femmes (d’origine latino qui plus est) menant de bout en bout leur projet artistique, ont influencé les quatre membres de Downtown Boys. Pour poursuivre dans le registre de la filiation musicale, je pourrais pointer les Beastie Boys première époque en trouvant par effets de miroirs des parallèles au niveau de l’état d’esprit, plaçant l’irrévérence au cœur du processus créatif.
A tous ceux et celles, qui penseraient que tous les Américains sont des décérébrés mentaux, totalement
aveuglés par une inquiétante dictature libérale et impérialiste : de nombreux disques portés par une jeunesse cosmopolite et abondamment active, attestent de l’exact opposé, à l’image du groupe de Post Hardcore, Big Ups l’année dernière, avec son imposant Before a Million Universes (2016, Exploding in Sound Records) et désormais Downtown Boys, qui pourrait d’ailleurs avec sa vitalité, devenir le chef de file d’un Punk militant et révolutionnaire, n’en déplaise à Chuck D et autres Tom Morello.
Downtown Boys Cost of Living Sub Pop Records
Site officiel des Downtown Boys et de Sub Pop.
TRACKLIST:
Side A
Wall
I’m Enough (I Want More)
Somos Chulas (No Somos Pendejas)
Promissory Note
Because You
Side B
Violent Complicity
It Can’t Wait
Tonta
Heroes (Interlude)
Lips That Bite
Clara Rancia
Bulletproof (Outro)
Album également dispo’ en écoute intégrale sur Bandcamp et Spotify.
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