Depuis quasiment un siècle, le fanzine est objet de culte et de passion dévorante. Certes, c’est un phénomène marginal dans le monde de l’édition, une niche, une activité artisanale fragile, cependant, sa pertinence et son utilité sont inversement proportionnelles à sa faible exposition. Le fanzine relèverait presque plus des arts que des métiers. Le zine comme le nomment les initiés est à la presse spécialisée ce que le cinéma d’auteur est au 7 ème Art. Il est conçu avec peu de moyens largement compensés par énormément d’amour et de passion. De trop rares livres traitent du sujet, mais à ma connaissance, ce film est le premier du genre. Qui mieux que Guillaume Gwardeath à l’initiative d’un tel projet, lui qui fut directeur de la Fanzinothèque à Poitiers ?
La définition du fanzine est donnée en introduction du documentaire par le comédien Thomas VDB qui lui-même a pratiqué cette activité quand, ado, il présidait le fan-club de Korn en France. Si on décompose le mot fanzine, on trouve les mots “fan” et “zine”. Un magazine élaboré par un fan, pour les fans. C’est très bien expliqué par les différents protagonistes intervenant dans le film, la plupart fanzineux ou ex-fanzineux : musicien, universitaire, manager de groupe, cinéaste, journaliste, documentariste ou supporter. Le principe est simple, si tu ne trouves pas d’information dans la presse sur ton groupe préféré ou plus largement ton hobby, fais toi-même ton journal avec trois bouts de ficelle. Ça, c’était avant l’avènement de l’informatique et d’Internet qui a rebattu les cartes. Les fanzines sont plutôt des blogs aujourd’hui. Si Slow Show avait vu le jour vingt ou trente ans auparavant, ça aurait probablement été un fanzine. Pour autant, le format fanzine a toujours ses ardents défenseurs et ses fervents adeptes, même auprès des jeunes générations. Pour preuve, les jeunes fanzineuses qui défendent leurs publications respectives dans le film en invoquant la créativité et la totale liberté d’entreprendre ce qu’elles veulent, comme elles veulent, quand elles veulent. Les seules limites du fanzine sont fixées par l’imagination de son concepteur ou de sa conceptrice. D’une créativité débordante, en marge de la presse réputée spécialisée, le fanzinat touche principalement les disciplines suivantes : musique indé, cinéma et le graphisme (bédé, dessin, peinture), et même le sport. Tout est fanzinable pour peu qu’on veuille partager sa passion. L’anecdote racontée par Frank Frejnik après le générique de fin, ouvre le champ des possibles, il suffit d’être imaginatif. Tout l’écosystème du fanzine est méthodiquement analysé par les participants du documentaire parmi lesquels, on retrouve quelques notoriétés comme Pakito Bolino, Moolinex, Didier Bourgoin, Marie Bourgoin, Marsu, Samuel Étienne ou Frank Frejnik ou la relève avec les créatives Delphine Bucher, Violette Gauthier ou Cora Wang-Chang. Écouter parler Delphine Bucher ou Violette Gauthier de leurs publications donne envie d’éteindre son écran pour s’emparer d’une paire de ciseaux, un stylo, un crayon, un bâton de colle, une agrafeuse et une imprimante afin de faire son propre fanzine qu’on photocopiera à quelques exemplaires pour commencer car jamais, vous m’entendez bien ? Jamais le numérique n’aura la noblesse du papier. Il y a un nombre incalculable de journalistes, et même des célèbres aujourd’hui, toutes disciplines confondues, qui ont commencé par cet exercice. Ce qui leur a permis d’apprendre sur le tas, de se former. Est-ce que Guillaume Gwardeath aurait osé faire ce film sans la culture du fameux “Do It Yourself” ? Fanzinat rend formidablement compte de toute la féérie qu’englobe le monde du fanzine, autant pour celui qui le conçoit que pour le lecteur. Un fanzine, c’est rare, donc précieux. Rare parce que les périodicités sont souvent aléatoires et les tirages souvent très limités. Ce film donne envie de s’y (re)mettre.
Et je vais vous faire une confidence, un fanzine, c’est mille fois plus gratifiant qu’un blog pour celui qui le fait et mille fois plus excitant pour le lecteur. C’est concret, l’encre a une odeur, elle reste parfois sur les doigts, le plaisir de toucher le papier est irremplaçable, bref, même si le fanzine s’affranchit des normes de la presse à grand tirage à tous points de vue, il est toujours fait avec passion et Fanzinat lui rend un vibrant hommage. Si vous voulez voir le film près de chez vous, contactez la production pour lui souffler de bons plans de projection type cinéma d’arts et essais. Ou alors, commandez le DVD.
Fanzinat: Passion et histoires des fanzines en France
Réalisé par Laure Bessi, Guillaume Gwardeath
& Jean-Philippe Putaud-Michalski
Production Metro Beach
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