Cette année, alors que Heat fête ses 22 ans, la 20th Century Fox ressort le long-métrage dans une luxueuse édition « définitive ». A sa sortie en décembre ’95, le film était déjà annoncé comme culte, un statut en grande partie dû à la présence au générique de deux géants du cinéma américain: Robert De Niro et Al Pacino. Aujourd’hui, on salue autant la prestation des acteurs que la qualité du scénario et la réalisation de Michael Mann, qui signe incontestablement son plus grand film.
Nous sommes en 1993 lorsque Mann, quelques mois après le succès de Le Dernier des Mohicans (1992) décide de rebosser sur Heat. Le film -qui a germé dans l’esprit de son créateur deux décennies plus tôt- a déjà eu droit à une première adaptation à la TV sous le nom de L.A. Takedown en ’89. Un échec cuisant tourné avec peu de moyens, à la va-vite et qui frustre son auteur. Le réalisateur/scénariste décide alors de reprendre à zéro son projet et par souci d’authenticité, se lance dans des recherches considérables afin de façonner ses personnages. Il part à la rencontre de criminels et de flics, dans leur « milieu naturel », les interroge pour tenter de comprendre leur motivations, leurs buts et surtout, pour s’en inspirer. C’est ce travail de longue haleine et bien sûr, le choix minutieux du casting qui fera la différence entre L.A. Takedown, téléfilm bâclé et Heat, œuvre complète et fascinante.
Si toute l’intrigue tourne autour de deux protagonistes –Vincent Hanna (Al Pacino) et Neil McCauley (Robert Deniro)- Mann apporte également de l’importance à ses seconds rôles (Val Kilmer, Diane Venora, Jon Voight ou Amy Brenneman). Rarement on a livré autant de détails au spectateur pour décrypter la psychologie des personnages.
Afin de bien les préparer, Mann fournit aux acteurs énormément de détails sur les personnages, qui, pour la plupart n’apparaîtront même pas dans le film, tout ça dans le but de leur donner plus d’épaisseur. Les deux protagonistes -qui sont à la fois opposés et complémentaires à la manière d’antithèses- s’admirent mutuellement et partagent un professionnalisme identique dans leur job mais ne parviennent pas à gérer correctement leur vies sentimentales.
L’atmosphère du long-métrage emprunte beaucoup aux travaux du réalisateur et scénariste français Jean-Pierre Melville (notamment dans Le cercle rouge, sorti en 1970), une influence largement revendiquée par Michael Mann (et ce, dans beaucoup de ses films).
Si Heat doit beaucoup à son casting, son réalisateur, méticuleux, ne laisse absolument rien au hasard. Des nombreux consultants présents sur le tournage (d’anciens braqueurs ou flics retraités) à la préparation des acteurs (notamment au maniement des armes à feu). Le long-métrage de près de 170 minutes explore merveilleusement Los Angeles à travers 75 lieux de tournage différents, du jamais vu à l’époque.
Pour son épique duel, Mann fait appel à un collaborateur de longue date à la photo en la personne de Dante Spinotti, qui comprend très bien les exigences du réalisateur, et offre une palette de couleurs pâles qui renforce la noirceur du film. La partition musicale signée Elliot Goldenthal complète l’œuvre avec un mélange de compositions originales ambiantes et parfois expérimentales, mêlées à des titres judicieusement sélectionnés (Einstürzende Neubauten, Brian Eno ou Moby et son sublime « God Moving Over the Face of the Waters »).
Bien plus qu’un simple film de genre, Heat doit autant au polar qu’au thriller, au drame ou au western moderne. Mann réussit le pari de signer un classique particulièrement ambitieux pour l’époque, un succès à la fois commercial et critique. L’un des grands films des années 90.
Heat
Réalisé par Michael Mann,
Avec Robert De Niro, Al Pacino, Diane Venora, Val Kilmer et Jon Voight.
Scénario de Michael Mann,
Musique de Elliot Goldenthal.
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