Figée en apparence dans le Catalogue, l’œuvre de Kraftwerk est un perpétuel work in progress, en quête d’une impossible perfection. Et pourtant celle-ci n’a jamais été aussi proche. Dernièrement les allemands ont été invités dans les musées d’art moderne et institutions culturelles les plus prestigieuses du monde entier (Moma, Tate Modern Gallery, Opéra de Sydney, Fondation Louis Vuitton…) pour délivrer l’intégrale de leur œuvre, soit le Catalogue, à raison d’un disque par soir, chaque morceau étant illustré par des projections 3D. Déclinée en trois coffrets (CD/Blu-Ray et Vinyle), c’est à cette dernière version, absolument orgasmatique d’un point de vue sonore, que nous nous intéresserons.
Comme le Floyd à Pompéi, bien qu’enregistrée en live (les crédits sont discrets mais on en déduit que chaque opus a été enregistré dans une des institutions listées et Ralf and co ne laissant rien au hasard, il est probable que Radioactivity ait été capté au Japon et Tour de France où vous savez), le public est absent et les morceaux s’enchaînent avec la précision d’une session studio. Cependant nous en sommes paradoxalement très loin : d’abord le groupe réussit là une espèce de quadrature du cercle en alliant la précision impitoyable du numérique à la chaleur de l’analogique, ensuite les albums sont reconstruits ;
l’ordre d’origine est souvent bouleversé déplaçant ainsi le centre de gravité de l’œuvre : Electric Café devient ainsi le cœur du rebaptisé Techno-Pop, le dispensable « Endless Endless » laisse sa place à « Abzug » ; ouvert désormais par « Numbers », Computerworld s’allège de la reprise du titre éponyme ; revu à l’économie Tour de France simplifie le tracé de ses étapes et acquiert ainsi la concision de ses glorieux aînés.
Rien de se perd, rien ne se crée tout se transforme : la syncope rend funky le gimmick de « The Robots » dans sa version Man Machine mais les rythmes pointés disparaissent de la mélodie d’Electric
Café où surgit une basse slapée qui vient par ailleurs de s’évanouir de « Sex Object ». Subtile mécanique des fluides, où l’amateur averti guettera la moindre variation qui est souvent une soustraction, la litote y étant toujours le gage d’un surplus d’émotion : « Showroom Dummies », « Metropolis » ou « La Forme » y sont encore plus mélancoliques. Ultime renversement de perspective, The Mix qui était un reboot digital de l’œuvre, geste alors d’une certaine audace n’est plus l’horizon mais désormais le point de fuite par rapport auquel se déploient les chefs-d’œuvre du Catalogue.
Précipitez-vous donc sur ces 8 volumes du Catalogue 3-D, infini vertical et dernier état d’une des œuvres fondatrices de notre modernité, en attendant le numéro 9, promis par Ralf, et un nouveau big-bang !
Kraftwerk 3-D The Catalogue Parlophone/Warner
Site officiel de Kraftwerk, de Parlophone et de Warner.
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