Mogwai a toujours eu un certain goût pour les explosions et la chose stellaire. Explosion de l’étiquette et des influences, tout d’abord, puisque souvent qualifiés de héros du post-rock, eux considèrent faire « simplement » du rock, allant de référence comme MBV à Guns N’ Roses (si, si, il existe un riff pour le prouver). Affublés un temps du titre de scottish guitar army ils n’ont, par ailleurs, jamais rechigné à faire appel à l’électronique et la programmation : on leur connaît une proximité certaine avec des groupes comme Fuck Buttons ou Errors – pour ne citer qu’eux -, de grands ingénieurs du chaos en bits devant l’éternel.
Explosion des plans de carrière, aussi, en naviguant au long cours entre albums – 8 au total, sorte d’objets qui se suffisent à eux-mêmes et dont les titres des morceaux ne relèvent jamais d’un véritable propos – et BO – maintenant 3 au compteur Geiger- qui font écho à d’autres œuvres. Le tout ponctué de quelques coups de merchandising inattendus mais bien sentis qui vont du whisky aux planches de skate made in Scotland. Mogway of life, pourrait-on dire. Explosion sonique, enfin, et c’est peut-être là le véritable ADN ou invariant du groupe. Bien qu’avec cette notion d’explosion on trouve des nuances et différentes manières de l’exprimer (qui pour écrire un 50 shades of explosion chez Mogwai?)
Trop d’explosions ont tué l’explosion ?
Atomic, venons-y, marque le pas de la mutation plus que de l’explosion pour Mogwai, possible conséquence des explosions qui ont précédé. À son écoute on peut déjà se demander si le groupe est sorti indemne du travail retro-introspectif mené l’année dernière avec Central Belters, la compilation couronnant leurs 20 années d’activité en 6 LP.
Oui, car Mogwai a repris le chemin de la création mais on ne saurait dire s’ils ont accouché d’une B.O. ou d’un album. Entendons-nous bien, cette confusion n’est en aucun cas dommageable artistiquement mais elle débouche sur un objet qui a du mal à être qualifié et ne choisit pas. Mutatis mutandis. Oui car, aussi, d’un processus de création qui consistait à s’enfermer dans un studio, celui-ci a débuté par un « travail collaboratif » avec Mark Cousins (réalisateur du documentaire du même nom) et un field trip au Japon générant une sorte « d’engagement affectif » (c’est ce qu’explique Stuart Braithwaite ici et là). Oui, car la formation de Mogwai est passée du quintette au quartet avec le départ du guitariste John Cummings vers d’autres horizons, suite à l’enregistrement. Il est dur de croire que quelque chose ne s’y est définitivement pas joué, aussi discrets soient-ils sur l’affaire. Et oui, car Mogwai a cette fois écrit des titres de morceaux qui évoquent de vrais thèmes et génèrent du sens, évoquent des histoires – et ce storytelling, pour les exégètes du groupe, c’est vraiment une révolution.
Musicalement, la guitare exerce toujours son travail de sape, la basse est toujours monumentale et la batterie le pacemaker mais l’aspect « programmation » semble être devenu le centre de gravité du groupe sur cet album. Le précédent LP Rave tapes (2014, Rock Action) était, par rapport à cet usage électronique, certainement un avant-goût, une mise en jambe ici pleinement consommée. À bien tendre l’oreille, il vous sera même possible de croire entendre le signal des Boards of Canada, par endroits.
Bien heureusement, ce nouveau centre de gravité ne s’effondre pas sur lui-même pour former un trou noir. Ce qui ressort au final de ce voyage sonique renouvelé est qu’il maintient dans le même temps l’essentiel, le caractère profondément anthemic (en V.O.) de Mogwai. Ce terme, employé un temps par Barry Burns à propos de l’EP Earth Division (2011, Rock Action), pourrait se traduire par « hymniaque » (sauf que cet adjectif n’existe pas et qu’on devra se satisfaire de « lyrique », par défaut). Atomic donne donc à entendre un lyrisme mutant et ce n’est vraiment pas un hasard si Mogwai lui donne corps via le sujet nucléaire. Et on ne peut que se frotter les mains en attendant la suite, peut-être leur Godzilla.
Mogwai Atomic Rock Action/Pias
Site web de Mogwai et de Rock Action.
TRACKLIST:
Side A
Ether
SCRAM
Bitterness Centrifuge
Side B
U-235
Pripyat
Side C
Weak Force
Little Boy
Are You a Dancer?
Side D
Tzar
Fat Man
Album également disponible en écoute sur Spotify.
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