Depuis le temps que Mogwai tournait autour de la production (et l’écriture) d’une « vraie » bande originale… ça y est, c’est fait, soulagement! Kin marque donc leur première b.o. pour un film fantastique grand public, pétri d’une culture hashtag street, retro et bas fonds. Une culture qui leur est somme toute familière. A priori, tout cela tombe plutôt bien sur le papier.
Passage à l’acte
La discographie de Mogwai a été une longue histoire de va et vient entre albums et images animées, allant crescendo. Presque un jeu du chat et de la souris, à vrai dire, qui vient là de trouver un certain aboutissement. On se souvient, par exemple, de leur « Stanley Kubrick » en 1999, du Zidane, un portrait du 21e siècle (de Douglas Gordon & Philippe Parreno) en 2006, de l’utilisation fort judicieuse d’extraits de « The Hawk is Howling » dans la b.o. du Miami Vice de Michael Mann et d’un crédit dans The Fountain de Darren Aronofsky, de leur première b.o. de la série TV Les Revenants en 2012 puis du récent brûlot politique d’Atomic en 2016, appuyant le documentaire du même nom de Mark Cousins. On le voit, sans être même complètement exhaustif, signer la b.o. complète d’un film était inexorable… Logique, aussi, quand on a toujours signé une musique essentiellement cinématique. C’était déjà écrit.
Kicking a Dead Pig (encore)
Dans un interview lors de la sortie de leur précédent album Every Country’s Sun, Barry Burns ironisait sur la manière dont le groupe concevait ses morceaux depuis ses tout débuts, à base d’alternance de calme et tempête, en employant l’expression « kicking a dead pig ». Trait d’humour sur leur veine créative mais aussi référence (qu’on n’ose pas dire inconsciente) à leur 1e album de remix sorti en 1998: Mogwai fait et défait, invariablement, son œuvre et tout n’est finalement que recommencement. Si l’on sent bien à travers cette b.o. une révérence à peine déguisée pour le travail de Clint Mansell, nous restons bien dans leur propre univers. L’exercice de style ne dénature pas, de fait, complètement leur musique mais, d’une certaine manière, la concentre. La place du piano (et par extension des claviers et de la programmation) y est centrale, appuyée, bien sûr, par les guitares ainsi que l’implacable batterie: l’ensemble est métronomique, entraîné et resserré. Certains morceaux semblent totalement porter un passage ou un moment du film, tels que « Eli’s Theme », « Scrap », « Flee », « Miscreants » et « We’re not Done (End Title) » quand d’autres semblent pourvoir s’en extraire (il faudrait avoir vu le film pour en être sûr, ce qui n’est pas mon cas). On imagine ainsi pouvoir aisément retrouver « Funeral Pyre », « Donuts », « Guns down », « KIN » sur un album imaginaire de Mogwai, sans lien avec un quelconque film, tant ils marquent la quintessence de leur écriture et production actuelle, hors de tout et là maintenant…
B.o. comme bol d’oxygène?
Au final, cet exercice de style et ses contraintes apportent certainement un peu de fraîcheur au groupe — après tant d’années et d’albums, à retarder la signature d’une « vraie » b.o. — en le forçant à faire un pas de côté créatif, à mettre sur la sellette leur propre écriture et leur quotidien de musiciens. Vous excuserez (ou pas) ma psychanalyse de comptoir mais cet écart volontaire porte ainsi un bel entrain mais aussi une belle angoisse. Car qui mieux que Mogwai peut porter deux visages, deux faces d’une et dans une même pièce? La vraie question étant, à présent, jusqu’à quand?
Mogwai Kin original motion picture soundtrack Rock Action
TRACKLIST:
Side 1
Eli’s Theme
Scrap
Flee
Funeral Pyre
Donuts
Side B
Miscreants
Guns Down
Kin
We’re Not Done (End Title)
Album également disponible en écoute sur Spotify.
Critique de la bande originale d’Atomic (2016, Mark Cousins, Rock Action)
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