Historiquement, parmi les groupes français qui ont généré des passions et des vocations, s’il en est un qui a toujours été culte et confidentiel, limite clandestin, ce sont bien les Coronados. Ils avaient pourtant tout pour être bien exposés au même titre que leurs contemporains de même obédience (Dogs ou Les Thugs). Mais s’en souciaient-ils vraiment ? Le bassiste, Yves Calvez, raconte l’histoire du groupe à Patrick Scarzello dans un livre essentiel pour le rock en France.
Les Coronados, un groupe qui a opéré durant les années 80 et qui a marqué à jamais ceux qui l’ont vu sur scène. L’éditeur qui signe la préface, raconte comment il les a découverts. De Nice, il est allé exprès à Paris pour voir les Dogs. En première partie, il y avait ce groupe qui lui était inconnu. Les Coronados lui ont mis une torgnole de maçon au point où il en a oublié la prestation des Dogs. En même temps, après le set des Coronados, il a fini la soirée au comptoir à se soûler copieusement avec eux. Ce qu’il ressort de l’histoire des Coronados, ce qu’on retient en dehors de la musique, c’est qu’ils passaient leur temps à se soûler, c’était quasiment leur activité principale. Sans une manageuse à poigne, Claire, il est fort à parier que le groupe serait passé inaperçu. Le sous-titre du livre « Esthètes, fainéants & sauvages, un mystère du rock français 80’s » résume parfaitement les deux cents pages passionnantes qu’il contient. Les Coronados, un peu comme les Dogs ou Les Thugs, étaient à contrecourant d’à peu près tout ce qu’il se faisait à l’époque à de rares exceptions près. Des mecs fans des Flamin Groovies ou de Bo Diddley pour son jeu de guitare, des Troggs, de David Bowie période Mick Ronson justement parce que Mick Ronson, au début des années 80, ce n’était pas si courant que ça en France. À travers l’histoire des Coronados, on plonge dans le milieu indé français, parisien évidemment, mais surtout pas parisianiste. Patrick Scarzello mène la conversation avec Yves Calvez de main de maître. L’auteur n’intervient que pour relancer le bassiste, un garçon charmant et passionnant, ne parlant pas pour ne rien dire. Il est souvent très cash. La demi-mesure, ce n’est pas son truc. Rock’n’roll au premier sens du terme. L’anecdote avec les Cramps est rigolote par exemple. Yves Calvez insiste tout au long du livre sur l’importance de la main droite dans le jeu de guitare. Je partage mille fois son avis sur la question. Pour qualifier un guitariste et dire de lui que c’est un bon (comme Marc Police ou Mick Ronson par exemple), il parle toujours de « main droite ». Les Coronados passaient donc leur temps à se soûler et à répéter intensément sous l’impulsion d’une manageuse qui leur imposait rigueur et discipline, alors que c’étaient des gros fainéants de base. Yves Calvez évoque les concerts à grand renfort d’anecdotes, notamment d’une tournée irlandaise Bérurier Noir/Coronados que l’organisateur taquin avait rebaptisée Beurrier Noir/Conardos. Le rapport entre les Bérus et les Coronados est difficile à établir musicalement parlant. Le milieu rock à Paris, comme partout ailleurs, se limitait à quelques individus, tout le monde se connaissait et Marsu, le manager des Bérus, était copain avec les Coronados qui fréquentaient par ailleurs un peu le gratin du show-biz par l’entremise de leurs connaissances. D’où la question de savoir comment se fait-il que cela ne leur ait jamais profité. Ce n’était pas leur état d’esprit. Les Coronados étaient rock jusqu’au bout des boots. Le terme « esthètes » leur convient également. Autant d’un point de vue artistique, que philosophique ou vestimentaire. Toujours sapés comme des milords. Claire leur avait même trouvé des serviettes noires pour s’éponger entre les morceaux sur scène. En résumé : un des meilleurs livres écrits sur le rock en France des années 80 par le prisme d’un des groupes les plus emblématiques quand bien même il n’eût pas la reconnaissance due à son talent. Les disques des Coronados sont facilement trouvables car régulièrement réédités. Notamment chez Mono-Tone Records, le département musique de la maison qui édite le livre.
Patrick Scarzello Les Coronados Éditions Mono-Tone
(205 p., 12 €)
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