Critique et écoute de "Astronaute" de Pumpkin et Vin's Da Cuero

En 2015, Peinture Fraîche s’affirmait déjà comme un album abouti, intelligent et singulier, composé de morceaux de choix comme « Louder », « Fifty Fifty », « L’Encre ». Trois ans plus tard, le duo a encore grandi et s’envole littéralement avec Astronaute.

Le Rap, et notamment le Rap français est de plus en plus l’expression d’un ego trip narcissique et bodybuildé, ayant perdu de sa superbe, de son inventivité et de son excentricité. Il est pourtant, par essence, cet art vivant qui ne peut être enfermé dans des cases, ce média polymorphe de la rue, de la vie et du présent. En se concentrant sur leur propre matière musicale et leurs préoccupations, la rappeuse Pumpkin et le beatmaker Vin’s Da Cuero affirment plus que jamais leur liberté artistique. Les deux complices se distinguent du tout-venant actuel embourbé dans des obsessions sonores standardisées et limité par un imaginaire redondant et forcément réducteur. Au sujet du précédent LP, je soulignais déjà les vertus d’un évident background musical, amoureux et passionné. Une approche musicale évidemment tournée vers un versant historique du Hip-Hop, une sorte d’âge d’or qui remplit nos étagères de vinyles, symbolisé par des producteurs américains inspirés et inspirants, tels que Showbiz, Q-Tip, Erick Sermon ayant sublimé les flows marquants et uniques des imposants Big L, Redman, Nas, KRS-One… Sur Astronaute, se matérialise ce rapport fin, gourmand et malin au sampling au beatmaking qui transpire dans ces plages singulières, au groove élégant et à l’énergie hautement positive. Sans tomber dans la seule nostalgie du « c’était mieux avant », les deux complices assument leurs envies à l’image de la déclaration d’intention, « Make Boom Bap Great Again ». Car la couleur instrumentale générale de cette collection rebondissante de « Beats, Rhymes & Live » communie avec les agrégats conscients des mots incisifs et poétiques de la néo-Nantaise. Avec Pumpkin et Vin’s Da Cuero, le Rap est décidément cet espace où le sens rebondit sur le beat, où l’écriture naît des observations du quotidien, où l’énergie surgit de la rencontre et des featurings.

Si le stress transforme mes paroles en yaourt, ce doit être la peur de passer pour une gourde, C’est pas la course au dialogue de sourds, alors je choisis bien ma voix (voie ?), vénère ou velours…
« Longue Histoire Courte »

Associant dans une indéniable cohérence, des morceaux découverts dans l’antériorité d’un enchainement malin d’EP’s décisifs comme Chimiq, Persona non gratis, et des instantanés aussi percutants que « Larmes de crocodile », Astronaute construit une réflexion lucide et singulière sur la modernité. Sans le chercher, ce nouveau long format frappe bien plus fort que la plupart des productions dites « Hardcore », emporté par sa verve et sa musicalité. Il est une invitation à regarder la vie avec toujours plus de nuance dans le kaléidoscope coloré de son Rap engagé, indépendant et autonome. Alors que nos sociétés occidentales plient sous le poids de l’autorité de la pensée dominante, il faut parfois tout le décalage et la singularité des arts alternatifs pour dépasser notre quotidien et combattre le pessimisme latent de l’ère post-industrielle. Ainsi militant, Astronaute l’est évidemment, et brillant plus qu’assurément.

Je remue ciel et terre, le couteau dans la plaie, murmure délétère, foutez-moi la paix ! Le cerveau dans la paye, tous les mois je crie, versez moi l’oseille, avec tous mes doigts, je prie!
« Larmes de Crocodile »

Pumpkin & Vin’s Da Cuero Astronaute Mentalow Music

Face A

Make Boom Bap Great Again
Chimiq
Mauvais Genre
Longue Histoire Courte (featuring Miscellaneous)
Guerre Du Nord
Science Friction (featuring Sly The Mic Buddha)