Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le glam sans jamais oser le réclamer à la consigne par peur de finir marabouté par l’esprit des semelles compensées et des choucroutes peroxydées réunies. Le choc du glam est un livre monumental qui ne se contente pas de disséquer l’œuvre des artistes glam, mais plutôt d’analyser le phénomène en tant que courant musical majeur et néanmoins à la marge, pour en définir son profil anthropologique, en identifier ses tenants et ses aboutissants et ses influences autant artistiques que sociales et politiques, tout ça en une période post-soixante-huitarde qui incitait à soulever le couvercle d’une marmite en pleine ébullition. Si David Bowie et, dans une moindre mesure, Marc Bolan et Brian Ferry donnent le la, ce livre passionnant emmène le lecteur sur des champs surprenants.
Nous avions découvert Simon Reynolds en France avec son excellentissime et ultra recommandé Rip It Up & Start Again (Allia) sorti en 2007 ici. La bible du post-punk, de 1978 à 1984. Puis il y eut Rétromania (Le Mot et le Reste) en 2012. Pas encore lu celui-là, mais rien que pour la jolie plume du critique musical londonien, rappelez-moi de me le faire offrir par le rédac-chef de Slow Show. Hein chef ? Le choc du glam est un livre érudit, mais pas chiant une seule seconde. Traduit par Hervé Loncan, sa lecture est facilement accessible. Simon Reynolds nous invite à soulever les jupons du glam-rock pour voir ce qu’il porte comme dessous. Il démaquille le style. Il le décortique et nous emmène sur des terrains surprenants. Le glam voulait rompre musicalement avec les années 60, il prétendait être un courant tout nouveau, tout beau. Finalement, Reynolds nous explique qu’il ne fait que recycler le rock des 50’s. C’est d’autant plus flagrant avec T. Rex et Bowie époque Ziggy Stardust. Sans parler de Slade, Sweet, Roxy Music, Alice Cooper ou Mott The Hoople, voire les New York Dolls. Pour l’aspect musical, très bien. Mais d’où vient l’idée de se grimer et d’avoir
une dégaine aussi décadente ?
Fil rouge du livre, Bowie renvoie en premier lieu au Portrait de Dorian Gray (Oscar Wilde) bien entendu, mais on découvre qu’il a aussi d’autres fascinations moins romantiques, comme son attrait pour Hitler, évidemment pas pour sa politique, mais pour sa façon d’haranguer les foules, de les captiver et de les manipuler à sa guise. Bowie se rêve un peu dictateur, notamment à sa période “Thin White Duke” au mitan des années 70. Tous autant qu’ils sont et Bowie plus particulièrement, jouent sur l’ambigüité sexuelle. Il est de bon ton d’être gay. Donc Bowie a couché visiblement avec tout le bottin mondain, de Lou Reed à Iggy Pop en passant par John Lennon parce que ça faisait chic. Alors que c’était un hétéro convaincu selon l’auteur. Tout l’environnement autour de Bowie et de Bolan est finement analysé pour permettre de mieux comprendre les personnages de scène qu’ils étaient.
Le choc du glam est un formidable travail de recherches et d’analyses pour une livrée non pas froide et clinique, mais dépourvue de partialité. C’est bien avec un regard de fin observateur que Simon Reynolds a abordé le sujet et non pas avec l’œil du fan enamouré. Il pousse même l’analyse à recenser les héritiers du glam et à expliquer pourquoi, en allant de Kate Bush à Lady Gaga en passant par Prince ou Def Leppard. Annoncé ainsi, c’est surprenant, présenté par Simon Reynolds, ça prend tout son sens.
Un livre nécessaire pour tous les fans de rock toutes chapelles confondues, du glam au punk, en passant par le prog-rock, la new-wave, le métal jusqu’à l’électro. Le choc du glam s’avère exemplaire et vital pour tout mélomane. Dernier petit point non négligeable, la présentation du livre, sa superbe couverture, simple et diablement efficace et la très jolie maquette. Premier livre de la maison d’édition de la revue Audimat. Un des meilleurs livres rock de ces dix dernières années.
Simon Reynolds Le choc du glam Audimat Éditions
704 p., 20 €
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