Qui n’a pas, dans sa discothèque non-dématérialisée, quelques albums sur lesquels il revient régulièrement, un, deux, cinq, dix, quinze, vingt ans plus tard ? Je ne parle pas de ces albums mythiques antérieurs à notre propre naissance mais bien d’albums dont nous avons vécu la sortie, qui nous ont accompagnés à un moment de notre vie et, pour ainsi dire, à jamais.
Dans cette liste subjective il y a, pour ma part, l’album Grand Prix de Teenage Fanclub, sorti en 1995 (chez Creation Records). Un album spécial – leur meilleur selon Norman Blake – puisque baigné dans un moment d’amour et d’inspiration totale, porté par une muse qu’ils n’ont jamais vraiment recroisée par la suite. Partant de là que peut-on attendre d’un nouvel album quand on a touché des oreilles la perfection 20 ans plus tôt ? Peut-être rien et ce n’est pas plus mal pour se faire agréablement surprendre.
Here, urbi et orbi
En l’occurrence ce 10ème album débute par quatre titres qui représentent la quintessence d’une pop à jamais adolescente. À la fois tributaire d’influences (Byrds et Beach Boys douchés à l’écossaise) et qui déroule leur propre marque de fabrique mélodique et sonore, issue de leurs glorieuses années 90. Cette entrée en matière met complètement à l’aise les adeptes et connaisseurs : ici est manifestement bien là. On pourra même se dire que ça faisait longtemps qu’on n’y était pas venu, que c’est fort joli et agréable d’y refaire un tour.
Ici.. et au-delà !
Puis déboule « I Have Nothing More to Say » et l’album prend alors un envol inattendu. La mélodie se fait plus planante, la fuzz plus abrasive et l’espace-temps se rallonge sans qu’on l’ait entendu venir. Le clou cosmique est directement enfoncé avec « I Was Beautiful When I Was Alive » et, à ce moment là, on a le sentiment d’être tombé dans une faille spatio-temporelle, dans un album dans l’album, un territoire qu’on ne leur connaissait pas… Les titres qui suivent ne sont alors plus tout à fait les mêmes, oscillant entre retour en atmosphère (« The First Sight ») et voyage en stratosphère (« Steady State »). Tout cela pour déboucher définitivement sur un au-delà qui est, ironiquement, ici (enfin comprendre un autre ici). Car c’est bien ce sur quoi l’album conclut avec « Connected to Life » et sa répétition finale des paroles « disappear into shadows into life… ». De quoi retenir une fois pour toutes son souffle, fermer la platine et se mettre en position fœtale dans son salon.
Si Grand Prix représentait l’été, Here est leur automne.
Vous l’aurez compris, le côté magistral de cet album est d’arriver, dans le même temps, à circonscrire un style autant que de l’ouvrir et ce sans artifices. Et en termes d’orchestration, tout y passe. Organique et stellaire, il infuse mélancolie et tristesse tout en portant une infinie pulsion de vie. Les anciens ados en sont là et on peut vivre avec eux, à nouveau et 20 ans plus tard, un moment particulier et splendide à sa manière car il est maintenant quasi-crépusculaire. Tout le poids du temps est là retranscrit mais quel bonheur de l’avoir vécu. Avec eux.
Teenage Fanclub Here Merge Records
Site web de Teenage Fanclub et de Merge.
TRACKLIST:
Side A
I’m In Love
Thin Air
Hold On
The Darkest Part Of The Night
I Have Nothing More To Say
I Was Beautiful When I Was Alive
Side B
The First Sight
Live In The Moment
Steady State
It’s A Sign
With You
Connected To Life
Album également dispo’ sur Spotify par ici.
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