Moh Lhean est déjà le sixième album de Why? : décidément le temps passe trop vite. En 2008, soit une éternité pour Internet, mais seulement hier, dans ma modeste vie de mélomane obsessionnel et fauché, un troisième album Alopecia (2008, Anticon) m’avait retourné le cerveau, avec son au psychédélisme coloré et Lo-Fi, capable de me faire oublier d’un seul coup d’un seul, One Foot In The Grave de Beck (1994, K Records), Philophobia d’Arab Strap (1998, Chemikal Underground) et Check Your Head des Beastie Boys (1992, Capitol).
2017, rien ne semble avoir changé du côté de Yoni Wolf et sa joyeuse bande de branleurs créatifs et malins. Toujours ces bonnes vieilles ficelles de ludisme Pop, qui feraient des morceaux de Moh Lean, d’étranges cousins consanguins des hits du passé, comme « The Vowels Pt. 2 », « Against Me » ou « Banana Mae ». Je projette certainement sur Why? et plus généralement sur Yoni beaucoup de fantasmes et de clichés, qui feraient de notre homme un sorte de messie néo-psychédélique, pur produit de la middle-class américaine, croisement idéalisé et tout à fait subjectif entre Harmony Korine et Lou Barlow, éternel adolescent animé par une boulimie Hip-Hop presque déviante et par le rêve enfantin d’écrire de plus belles chansons que Paul McCartney lui-même (« George Washington »). « This Ole King », tourne ainsi depuis un bout de temps sur la toile. Premier single mélancolique de Moh Lhean, il en impose avec son groove nonchalant, joliment éclairé par une douce lumière pastorale. Du Why? pur jus, comme je l’aime, naïf et joueur, doté d’une signature sonore reconnaissable entre mille, à la fois cheap et délicieusement foisonnante. Yoni a tellement de malice que s’il chantait le bottin, il en ferait un tube. Le précieux a rejoint ma collection de vinyles, les algorithmes, vexés, ne me balancent plus le dernier Dirty Projectors, qui pourrait me donner de l’urticaire, les tubes de Mac DeMarco qui ont tendance à me faire bailler ou les excès de Cursive qui me donne mal à la tête. Va comprendre, Charles. Pourquoi Why? et pas les autres?
La musique de Why? est décidément à part, globalement imparfaite et faussement enfantine, aventureuse mais terriblement casanière. « The Water » pourrait être la chanson qui a finalement décidé Grandaddy à se reformer et à sortir un nouvel album. Et avec un titre comme « Consequence Of Nonaction », Yoni pourrait donner envie à Orelsan d’écouter l’intégrale de Daniel Johnston. Du grand art en somme et à bien y réfléchir, cet album frôle parfois l’insolence de l’imperfection, à la frontière du pastiche et de l’exercice de style. Comme sur « The Barely Blur », qui rappelle un certain blondinet des années 90, qui n’arrêtait pas de bassiner sa copine sur son statut de perdant magnifique.
Il y a semble t’il quelque chose de volontairement roublard dans cette histoire. Une fois de plus, Yoni nous l’aura fait à l’envers, avec une facilité aussi déconcertante que jubilatoire. J’ai encore l’impression de mettre fait rouler dans la farine, seulement quelques mois après la parenthèse Yoni & Geti, mais avec un plaisir toujours décuplé, à tel point que je suis déjà en mode alerte sur le moindre mouvement de cet illustre trublion de l’alternatif U.S.
Why? Moh Lhean Joyful Noise Recordings/Anticon/Differ-Ant
TRACKLIST:
Side A
This Ole King
Proactive Evolution (feat. Aaron Weiss)
Easy
January February March
One Mississippi
Side B
The Longing Is All
George Washington
The Water
Consequence of Nonaction
The Barely Blur (feat. Son Lux)
Album également dispo’ en écoute intégrale sur Spotify par ici.
super chronique Laurent! Je vais me pencher sérieusement sur la discographie de ce groupe, sur lequel j’étais passé il faut bien l’avouer à côté pour des raison inexplicable..