Prenons le cas Quentin Dupieux comme il vient. C’est un réalisateur dont les films courts (une heure dix par-là) sont basés sur une ou plusieurs idées absurdes portés par des acteurs/actrices renommées. Un casting bankable qui semble se confondre avec ses films, c’est-à-dire que si on enlève les grands noms on ne sait pas vraiment ce qui reste. Comme me le suggérait mon ami Dorian, on se demande si l’ancien Mr Oizo n’écrit pas ses films sur une nappe à la fin d’un restau parisien trop arrosé en concluant « bon ben voilà, c’est écrit, on va voir qui veut le faire, toute façon je m’en branle ». On constate également que Dupieux a un rythme de sortie effréné et qu’il semble légitime de se demander comment il peut avoir autant d’exposition pendant que d’autres réal’ galèrent pour sortir leurs films. Enfin, je me demande si Dupieux serait capable de faire quelque chose de différent, de nous proposer un film plus élaboré dans sa filmographie désormais conséquente sans œuvre majeure.
Prenons le cas Yannick comme je l’ai vécu. Si sa durée ne dépasse pas celle des précédents (1h07) le film propose un huis clos sans élément fantastique, ce qui vaudrait pour nouveauté. Un spectateur d’un mauvais vaudeville se lève de son siège pour interrompre la représentation devant des spectateurs plutôt passifs et des acteurs (incarnés par Pio Marmaï, Blanche Gardin, et Sébastien Chassagne) ne sachant pas comment se sortir de cette interruption. Yannick s’étonne de passer une mauvaise soirée, qu’il y a un pépin dans leur histoire, que leur pièce qui est censée lui remonter le moral lui fait l’effet inverse alors qu’il lui en a coûté pour venir. La narration avance au fur et à mesure des décisions de Yannick (beaucoup) ou celles des acteurs et des spectateurs (moins). C’est parfois limite mais ça passe. 6 jours de tournage, beaucoup de préparation en amont, Dupieux assure tout écrire limitant alors les possibilités d’improvisation de ses acteurs. S’en trouverait il dépasser ? Si on sort de la séance avec l’idée que le film fonctionne dans un exercice autant prometteur que périlleux, on ne peut s’empêcher de penser que certains plans de coupe (les coulisses du théâtre par exemple) viennent remplir une écriture un peu creuse malgré quelques bons traits d’humour. Pour la forme, le film rappelle à tout le monde que le divertissement ne passe pas forcément par l’accumulation de plans rapides, de champs/contrechamps ou l’utilisation trop superflue des mouvements de caméra. Yannick est fait de plans fixes.
Enfin, c’est dit dans toutes les interviews, le film a été écrit pour Raphaël Quenard. Et au fur et à mesure que j’écris ce texte j’en arrive à conclure que j’aime Yannick parce que j’aime Quenard. Par sa diction, sa façon de bouger à l’écran, il apporte une vivacité qui anime le film. Qui m’a animé. Rien ne me dit que j’aurais aimé le film si ce n’avait pas été lui. D’un autre côté je trouve que Gardin et Marmaï sont tout à fait inutiles : des acteurs inconnus auraient été au moins autant intéressants. C’est Quenard qui fait le film et qui me fait retomber à peu près sur mon argumentation du cas Dupieux (film = casting) quoique Quenard n’est pas encore l’acteur bankable qu’il va devenir.
Yannick
Ecrit et réalisé par Quentin Dupieux
Avec Raphaël Quenard, Blanche Gardin, Pio Marmaï,
Sébastien Chassagne et Agnès Hurstel.
Sortie le 2 août 2023.
Atelier de Production/Diaphana Distribution
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